Ouvrir une maison d’hôtes et en faire mon métier à plein temps, je n’y avais pas vraiment pensé. Depuis mes 7 ans, je voulais être dans le milieu humanitaire.

Et voilà, une nouvelle fois la vie nous réserve des surprises.

Mais maintenant en écrivant cet article, je peux dire que si je gère aujourd’hui des chambres d’hôtes sur l’île de Ré, c’est grâce à ma mère. Elle m’a transmis le goût de la rencontre et du partage.

À remonter le temps, ma famille vit sur l’île de Ré depuis bien longtemps, depuis la nuit des temps comme il est courant de le dire après 10 générations. C’est vrai qu’un jour, il me faudra prendre du temps pour voir une cousine passionnée de généalogie. Cela ferait une autre histoire à partager avec mes hôtes.

Je suis née dans une famille typiquement rétaise du nord de l’île de Ré. Une famille de « paysans, pêcheurs à pied ». Point de bateau à l’horizon. Personne n’a embarqué sur un bateau et parcouru l’océan Atlantique. La mer les rėtais, ils la respectaient autant qu’ils la craignaient.

L’île de Ré rencontre le succès…

Mes parents avaient beaucoup de mal à vivre de leur travail. Dès les années 60, l’île de Ré est devenue un petit paradis avec son climat ensoleillé, ses plages de sable fin. Les vacanciers ont commencé à débarquer grâce aux bacs sur l’île de Ré pour leurs vacances en famille ou entre amis. Le pont de l’île de Ré que vous connaissez maintenant n’étant arrivé qu’en 1988.

La tendance s’est amplifiée en 1970. L’île de Ré est devenue un lieu très prisé pour passer des vacances. Les plages de sable fin, les roses trémières typiques de l’île de Ré et l’authenticité de l’île a contribué au succès de notre île sauvage. Les citadins des grandes villes, Paris, Lyon… désiraient « changer d’air » et se sont donc dirigés naturellement vers la Charente-Maritime sur la côte Atlantique.

Notre petite île de Ré de 85 km² n’était pas encore préparée à accueillir autant de voyageurs. Sous l’impulsion de la mairie, ma mère décida de mettre en location saisonnière notre propre maison à 2 familles d’estivants pour avoir un revenu supplémentaire. La localisation de notre agréable maison, au cœur du village de St Clément des Baleines, à quelques minutes du Phare des Baleines et de la fabuleuse plage des conches, était un atout indéniable pour passer des vacances réussies en famille !

Notre maison de famille devient une location saisonnière.

La location saisonnière a été un bouleversement pour nous tous : mes parents et mes frères et sœurs. Nous étions 6 à la maison à l’époque. Nous avons été relégués pour dormir, dans la grande chambre du fond à l’étage de la maison principale. Pour la cuisine, direction le fond de la cour dans une petite buanderie et notre salle de bain était à ciel ouvert, composée juste d’une bassine et d’un broc d’eau froide, les 3/4 du temps. Quelle organisation pour pouvoir se laver. Aussi nous pouvions nous soustraire à cette corvée de nettoyage plus facilement.

Finalement nous étions heureux avec peu. Et, chance inouïe, les vacanciers, lors de leurs séjours, nous amenaient avec eux sur les belles plages de l’île de Ré comme la plage des conches, au pied du phare des Baleines, située à 5 mn des chambres d’hôtes, ou la plage de Trousse Chemise.

Il faut savoir que pour mes parents, c’était ridicule de s’allonger sur le sable ou dans un transat, sans bouger, juste pour bronzer. Le farniente était une activité difficile à concevoir pour eux. Ils parlaient de « la côte », quand les touristes parlaient de « la plage ». Deux mondes se côtoyaient, et tout se passait bien au final.

Ma mère accueillait les familles de vacanciers 2 fois par mois, les juilletistes et les aoûtiens. Je me souviens qu’elle était heureuse de parler et partager avec eux avant de repartir travailler l’été dans son petit marais salant.

Elle avait accepté et nous aussi tout naturellement, de partager notre maison de village et de côtoyer les locataires d’été, chaque jour, prenant un peu de temps pour papoter.

Ce sont de très bons souvenirs, et c’est la raison de la création de ma maison d’hôtes Les Fillattes.

La maison d’hôtes sur l’île de Ré comme héritage familial

En 1997, ma mère m’a transmis la propriété de ses parents dans la petite commune de Saint Clément des Baleines sur l’île de ré. J’ai recherché la date de construction aux archives départementales. Je suis remontée jusqu’en 1800, époque à laquelle la maison appartenait déjà à notre famille. Cette charmante maison se compose de 2 bâtisses: La maison principale et un cellier ou chai.

Cette agréable maison me paraissait trop grande et avec beaucoup de travaux. Mais ma mère avait décidé que ce lot foncier me revenait. Allez donc savoir pourquoi ? Peut-être savait-elle que je reprendrais le flambeau et en ferais une agréable maison de vacances.

Un ami, maître d’œuvre, m’avait dit que c’était « un héritage empoisonné ». J’ai souri, car il n’avait pas tort au fond. La maison que je voyais était inhabitable et son chai à côté était en piteux état : terre battue au sol, toiture percée et rongée par les termites…

Mais au fond de moi, j’avais ce sentiment qu’il fallait que cette maison de village reste dans notre famille, faire comme ma mère, mon grand-père, mon arrière-grand-père et ceux d’avant, la transmettre un jour à mes enfants.

C’était ancré en moi, transmettre tout simplement. Finalement quand j’y pense, je suis au moins la 7e génération à vivre dans cette maison. De ça, j’en suis fière !

Le temps des travaux…

J’ai laissé passer 3 ans avant de penser aux premiers travaux, ceux de la maison principale. Le cellier quant à lui, allait attendre. Oh oui, attendre plusieurs années avant d’oser m’attaquer à sa rénovation. Je l’ai donc caché derrière une palissade.

Le chantier de la maison principal a commencé en 2001. J’habitais en Bretagne à cette époque. Aussi j’ai confié les travaux à un maître d’œuvre avec une seule exigence: faire travailler en priorité les artisans locaux.

Et cela a vraiment été une réussite et c’est rare que tout se passe bien dans le bâtiment. Un grand merci à mon ami qui a suivi ce projet !

4 années ont passé, et 2006 débute. La vie nous réserve des surprises. Me voilà de retour sur mon île avec un changement de vie professionnelle. Je me réinvente en agent d’accueil dans un camping.

2007, c’est l’année des travaux de mon chai, la future « Dépendance » de ma maison d’hôtes : Les Fillattes.

Le début d’une nouvelle aventure !

J’ouvre finalement la maison d’hôtes en mars 2009. Elle se compose de 4 chambres d’hôtes: 2 chambres d’hôtes dans La Maison principale et 2 autres chambres d’hôtes dans La Dépendance.

Le nom des Fillattes est issu du nom d’un champ agricole où, enfant, j’allais récolter pommes de terre et asperges.

Pour les noms des chambres d’hôtes, je me suis inspirée des noms de parcelles de terre ou marais salants ayant appartenu à la famille. C’est ainsi que sont nés les chambres d’hôtes La pinaude et les brulonnes dans la maison principale, et les chambres d’hôtes salines et la chabossière dans la dépendance. Celui qui me tient le plus à cœur c’est le nom « La Pinaude » le nom du petit marais de ma mère qu’elle a gérée seule pendant des années. Sacrée rėtaise volontaire et terriblement courageuse.

Et nous voilà en 2020, c’est ma 12e année d’activité et j’ai toujours autant de plaisir à accueillir les hôtes sur l’île de ré. Leur parler de l’île de Ré, de ses richesses naturelles, historiques et patrimoniales, et partager avec eux mes bonnes adresses est un réel plaisir ! Il y a tant de choses à faire et à découvrir sur cette île qui a su conserver son authenticité.

J’ai plaisir à accueillir, tout comme ma mère en son temps, de rencontrer des hôtes d’horizons différents. Que les rencontres sont belles et enrichissantes !

Je trouve que nous apprenons beaucoup des autres.

Les Fillattes ont 11 ans d’existence, et j’ai accueilli avec plaisir plus de 3000 hôtes.

Je repars pour 11 ans sans problème.

Pour moi, gérer une maison d’hôtes c’est faire 50% de ménage, 20 % de commercial et l’administratif et surtout 30% d’accueil, d’écoute et de partage.

Des moments difficiles, il y en a eu bien sûr, mais très peu, seulement 3 contacts conflictuels aux Fillattes.

Selon moi, la clé de la réussite dans ce beau métier, c’est d’accueillir avec le sourire et faire en sorte que les gens se sentent bien dans ma maison d’hôtes dès leur arrivée.